Ségolène Royal était l'invitée de France Info.
Raphaëlle DUCHEMIN
Bonjour, Ségolène ROYAL.
Ségolène ROYAL
Bonjour.
Raphaëlle DUCHEMIN
Merci d’être en direct, avec nous, ce matin, sur FRANCE INFO. Vous étiez, hier, chez vous en Poitou-Charentes, pour manifester, vous étiez aussi, je suppose, chez vous, devant la télévision, pour écouter hier soir, François FILLON, dire qu’il n’y aurait pas de nouveau plan de relance ?
Ségolène ROYAL
Oui, en effet, qu’est-ce que ça veut dire, « gouverner un pays » ? Ca veut dire, utiliser les moyens que le peuple vous a donné pour les remettre au service du peuple, afin de régler les problèmes, et de donner un cap au pays. Voilà ! Ce sont ces deux choses, gouverner. C’est être efficace, utiliser les moyens que l’on a et deuxièmement donner une orientation au pays. Et sur ces deux aspects-là de la responsabilité gouvernementale et présidentielle, nous n’avons pas eu de réponse. Et je trouve que la colère qui s’est exprimée hier dans la rue, avec beaucoup de dignité et de demandes de respect. Ne peut que se démultiplier aujourd’hui, face à un gouvernement et un président de la République qui restent sourds, qui restent aveugles et qui restent méprisants, à l’égard des aspirations profondes d’un pays, qui veut vraiment que ça change.
Raphaëlle DUCHEMIN
Vous avez le sentiment aujourd’hui, que les mesures mises en œuvre par le gouvernement, celles dont a parlé François FILLON, qui vont encore prendre du temps, mais qui, dit-il, vont porter leurs fruits. Que ces mesures ne sont pas efficaces aujourd’hui ?
Ségolène ROYAL
Non, seulement, elles ne sont pas efficaces mais elles sont injustes. Vous venez de dire, dans le journal de FRANCE INFO, que les Etats-Unis d’Amérique venaient de faire une taxe sur les bonus des grands patrons qui avaient reçu de l’argent public. Pourquoi le gouvernement ne fait pas la même chose ? Il y a des mesures très rapides et très simples à prendre. Premièrement, la remise en cause du bouclier fiscal, on sait que c’est une mesure très attendue des Français. Est-ce qu’il est normal que d’un côté, on ait tant de pauvreté qui monte, de précarité, de gens qui perdent leur travail, et de l’autre des milliers de détenteurs des grandes fortunes qui viennent de recevoir un chèque du Trésor Public ? Est-ce que c’est tolérable aujourd’hui, dans un pays comme le nôtre ?
Raphaëlle DUCHEMIN
Ca, visiblement, en tout cas, c’est oublié Ségolène ROYAL. Puisque cette nuit…
Ségolène ROYAL
Pardon !
Raphaëlle DUCHEMIN
Je dis, c’est oublié, puisque cette nuit, l’Assemblée a décidé de garder le bouclier fiscal, tel quel, dans le collectif budgétaire rectificatif.
Ségolène ROYAL
Oui, c’est ça ! Donc ce n’est pas oublié du tout. C'est-à-dire que malgré des propositions…
Raphaëlle DUCHEMIN
Cette proposition, je veux dire, la proposition de changer les choses en matière de bouclier fiscal ?
Ségolène ROYAL
Mais c’est très grave ! On attendait hier soir, du Premier ministre, qu’il prenne acte de la manifestation. Et qu’il admette une bonne fois pour toute, qu’il ne peut pas y avoir de paix sociale sans justice, donc il faut prendre les mesures de justice, on les connaît, elles sont là, elles sont simples à prendre. Et il n’y a pas de justice sans respect. Donc moi, ce que je demande, c’est du respect, de la justice et de l’efficacité économique….
Raphaëlle DUCHEMIN
Ça aurait été un geste fort, Ségolène ROYAL, à envoyer justement aux Français, ce changement en matière de bouclier fiscal ?
Ségolène ROYAL
Pardon !
Raphaëlle DUCHEMIN
Je dis : ça aurait été peut-être le geste fort à envoyer aux Français ?
Ségolène ROYAL
Bien sûr ! C’est indispensable, parce que ça remettrait une part de confiance. Les Français diraient : bon, le gouvernement a entendu, il a bien compris, que depuis deux ans, un certain nombre de choses ont changé, par rapport à cette initiative malheureuse, du début du quinquennat. A la limite, tout le monde peut se tromper, mais ce qui est très grave, c’est l’obstination et c’est cette conception très inégalitaire de la répartition des richesses. Donc ce n’est pas supportable. La deuxième chose très importante, facile et rapide à faire, c’est l’entrée de l’Etat au capital des banques. Comment se fait-il ? Et je le vois tous les jours, en tant que présidente de région, moi, j’ai été très bien accueillie, hier dans la manifestation, parce que les gens savent, les salariés connaissent le travail que nous faisons, pour mettre en place à la fois des filets de sécurité pour les salariés qui sont en difficulté. Nous faisons ici, en Poitou-Charentes, la Sécurité sociale professionnelle, c'est-à-dire que nous maintenons dans certains entreprises, avec l’aide de la région, le salaire des ouvriers qui perdent leur travail, pour permettre aux entreprises qui innovent et qui vont de l’avant, de surmonter un certain nombre de difficultés. En revanche, nous avons conditionné les aides de la région à l’interdiction de licencier et à l’interdiction de délocaliser, si les entreprises font des bénéfices. Pourquoi ces actions ne sont pas généralisées par l’Etat, au niveau national ? Nous serions plus forts si l’Etat et les collectivités territoriales pouvaient agir, en même temps, dans la même direction. Et puis enfin, on sait ce qu’il faut faire, pour redonner un cap au pays. Il faut investir dans les métiers du futur, dans les métiers d’avenir et en particulier dans la croissance verte, avec toutes les énergies renouvelables. L’isolation des logements, il y a 500 000 emplois à créer, dans le chantier massif d’isolation des logements sur à l’échelle du territoire national. Pourquoi n’y a-t-il pas un grand plan massif, écologique qui soit lancé sur le pays aujourd’hui, pour redonner de l’espoir.
Raphaëlle DUCHEMIN
Vous seriez, vous, aujourd’hui, en situation, Ségolène ROYAL, vous auriez mis quelle mesure ? LA première mesure pour justement répondre aux attentes des Français ? Quelle serait-elle de votre part ?
Ségolène ROYAL
Premièrement de la justice fiscale et de la transparence fiscale, pour que les citoyens sachent que les efforts sont équitablement répartis. Deuxièmement l’entrée de l’Etat dans le capital des banques avec des nationalisations partielles, et des nationalisations qui sont limitées dans le temps, pour contrôler le crédit, pour contrôler le crédit aux particuliers, qui n’ont jamais été autant surendettés que maintenant. Il y a un projet de loi qui arrive à l’Assemblée nationale et j’observe que le crédit revolving n’est même pas interdit. C'est-à-dire qu’on voit aujourd’hui, des familles totalement surendettées, parce que les banques pratiquent des taux d’intérêts à 20 %, mais c’est un véritable rackette. Donc si l’Etat rentre dans le capital des banques, il pourra empêcher ce type de comportement et faire en sorte que, là où les banques ont été renflouées par le contribuable, les crédits arrivent aux petites et moyennes entreprises qui en ont besoin pour continuer à avancer, à innover, à réussir et à créer des emplois. Voilà ! Deux exemples très… deux mesures très concrètes, que l’autorité de l’Etat doit mettre en place.
Raphaëlle DUCHEMIN
Quand le conseiller de Nicolas SARKOZY, Raymond SOUBIE dit, qu’on n’a pas franchi d’étape supplémentaire dans la protestation par apport au mois de janvier. C’est quoi selon vous ? De la provocation ? De l’aveuglement ? Une stratégie de communication ?
Ségolène ROYAL
Je pense que c’est une grave incompétence et puis c’est le sentiment vraiment que… c’est la démonstration que ce pouvoir est maintenant coupé du peuple. Ils se sont comportés de la même façon à l’égard de la Guadeloupe, vous avez vu, il a fallu attendre 5 semaines de blocage, une absence criante de présence ministérielle, des gens qui se sont sentis abandonné, j’ai été, j’ai vu cela. Il a fallu que des responsable syndicaux Elie DOMOTA, en-tête, auquel je rends hommage, prenne ses responsabilités, aille dans les quartiers pour empêcher que la manifestation ne bascule vers l’extrême violence, renoue avec les dirigeants des petites et moyennes entreprises. Donc ce sont les partenaires sociaux qui se sont pris en charge, à l’exception du MEDEF, qui, une fois de plus a eu des comportements totalement rétrogradent. Et ce sont les partenaires sociaux qui ont fini par se parler par se prendre en charge, par prendre leurs responsabilités, que le gouvernement ne voulait pas prendre. Et là, on recommence ! On recommence par le discours du mépris, de l’indifférence, mais c’est devenu insupportable ! Que faut-il faire pour que le gouvernement, comprenne qu’il est payé pour travailler et pour résoudre les problèmes des Français, aujourd’hui !
Raphaëlle DUCHEMIN
Alors que faut-il faire ? Puisque les syndicats sont réunis aujourd’hui et vont décider des suites à donner à leur mouvement ? Qu’est-ce que vous prônez ?
Ségolène ROYAL
Je crois qu’il faut continuer la protestation et la pression. Et puis il faut peut-être qu’au sein de la droite, il y ait aussi les responsables politiques, ça commence d’ailleurs, puisque Pierre MEHAIGNERIE lui-même, avait déposé un amendement allant dans le sens de ce que les socialistes veulent, pour plus de justice fiscale. Je pense qu’il y a des gens responsables y compris au sein de la droite, je le dis très nettement, qui doivent se désolidariser de cette inertie et de cette incompétence et de se mépris gouvernemental et présidentiel.
Raphaëlle DUCHEMIN
D’un mot, Ségolène ROYAL, pour terminer, une décision du Tribunal de Nanterre est attendue aujourd’hui, en ce qui vous concerne, puisque vous vous opposez à PARIS MATCH pour atteinte à la vie privée. Vous attendez quoi ? Une condamnation de principe ce matin ?
Ségolène ROYAL
Vous savez, je crois que les principes sont très simples. Chacun a le droit au respect de sa vie privée. Je comprends qu’il y ait de contraintes journalistiques qui peuvent exister. Mais chaque fois que les journalistes m’ont consulté ou m’ont demandé de dire un certain nombre de choses, ou de montrer un certain nombre d’aspects de ma vie privée, ce qui est peut-être parfois normal, parce que je suis une responsable politique, je l’ai fait. Donc je suis aussi, très transparente par rapport à ma vie. Donc c’est à moi de décider ce que je peux montrer, ce que je ne peux pas montrer. J’ai une famille, j’ai des enfants, j’ai une vie privée, et je pense que j’ai le droit au respect tout simplement de l’application de la loi. Voilà ! Donc, la loi, je demande tout simplement en toute sérénité, que la loi soit appliquée. Et que les journaux qui veulent gagner de l’argent en me harcelant, ou en harcelant, d’ailleurs, n’importe quelle personne, doivent comprendre que tout n’est pas une marchandise.
Raphaëlle DUCHEMIN
Merci beaucoup, Ségolène ROYAL d’avoir été en direct, avec nous, sur FRANCE INFO
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