Comité Local Pierre Mendès - France " Désirs d'Avenir " Paris 8ème et 9ème


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samedi 11 avril 2009

La stratégie du tourment de Ségolène Royal

LE MONDE | 09.04.09 | 13h15 • Mis à jour le 09.04.09 | 13h15

I
ncontournable. Le mot est de Benoît Hamon, porte-parole de Martine Aubry et chef de file au Parti socialiste du courant le plus à gauche et donc le plus anti-ségoléniste. Pourtant, c'est la présidente de la région Poitou-Charentes que M. Hamon a qualifiée, lundi 6 avril sur RTL, de "personnalité politique incontournable". Guadeloupe, Heuliez, Caterpillar, Dakar : quatre noms qui jalonnent, depuis six semaines, cette stratégie du tourment qui rend Ségolène Royal incontournable. Même au PS.

A défaut d'être le chef du PS et donc de l'opposition, Mme Royal adopte la posture de la conscience morale de la gauche qui, en utilisant tantôt un vocabulaire religieux, comme sur le "pardon" - celui-là même qui avait rebuté les congressistes socialistes à Reims en novembre 2008 -, tantôt un langage révolutionnaire, jette le trouble à droite et encore dans son propre camp.

La Guadeloupe, Mme Royal s'y rend le 21 février, pour les obsèques d'un syndicaliste dont l'assassinat a relancé une fièvre sociale qui monte chaque jour. L'ancienne ministre, qui a un peu vécu en Martinique dans son enfance, jette un froid au PS, n'ayant pris la peine de prévenir ni la Rue de Solférino ni les responsables locaux. Sur place, elle ne se borne pas à incarner la "France métissée" de sa campagne présidentielle. Elle recourt à un langage quasi-révolutionnaire : "Quand les parents n'arrivent plus à donner à manger à leurs enfants, ça finit mal. Souvenons-nous de la Révolution française." La droite hurle, le PS se cache.

Heuliez, c'est un symbole en Poitou-Charentes, celui de la voiture électrique, que le constructeur veut industrialiser avec le soutien du conseil régional. Quand l'entreprise, menacée, fait appel à l'Etat, la présidente de la région, qui vante la "croissance verte", sur ses terres, et, au niveau national, les accords "gagnant-gagnant" dans les PME, se porte en première ligne. Le 24 mars, à Cerizay (Deux-Sèvres), où Heuliez emploie 1 000 salariés, elle colle aux basques de Luc Chatel, secrétaire d'Etat chargé de l'industrie et de la consommation. Surtout, elle affiche une solidarité sans faille avec les syndicats et, faute d'être reçue à Bercy par Christine Lagarde, ce qu'elle avait obtenu au départ, elle interpelle Nicolas Sarkozy et des industriels proches du président. La droite polémique. Les socialistes se taisent.

Chez Caterpillar, à Grenoble, le constructeur américain d'engins de chantier prévoit de licencier 733 salariés. Avec l'aval des syndicats - renouant avec une méthode utilisée dans les années 1970 puis tombée en désuétude -, des cadres de Caterpillar sont séquestrés vingt-quatre heures. Dans Le Journal du dimanche du 5 avril, Mme Royal juge "illégal de priver quelqu'un de sa liberté de mouvement". Mais, ajoute-t-elle, "à Caterpillar, ils ont appris leur arrêt de mort sociale en lisant la presse ; et on s'étonnerait de leur réaction ?" Se défendant de prôner une "insurrection sociale", comme on l'en avait soupçonnée en Guadeloupe - "je ne suis ni une Cassandre ni Olivier Besancenot" -, l'ancienne candidate à l'Elysée n'hésite pas à lancer : "Les salariés doivent forcer le barrage de l'injustice absolue."

Des propos quasi subversifs aux yeux de l'UMP et de son porte-parole, Frédéric Lefebvre, spécialisé dans la riposte automatique à tout propos de Mme Royal. Sauf que cette compréhension sans approbation est partagée par 63 % des Français, selon un sondage IFOP-Paris Match réalisé les 2 et 3 avril, et validée par Dominique de Villepin. "Je partage complètement ce qu'elle a dit", renchérit Mme Aubry au nom du PS.

A Dakar, lundi 6 avril, devant un public conquis par "la Négresse blanche", Mme Royal réplique au discours controversé que M. Sarkozy avait prononcé dans la même ville, le 26 juillet 2007 : "Quelqu'un est venu vous dire que "l'homme africain n'est pas entré dans l'Histoire". Pardon, pardon pour ces paroles humiliantes qui n'auraient jamais dû être prononcées et - je vous le dis en confidence - qui n'engagent ni la France ni les Français." A peine prononcé, le discours de Mme Royal, qu'elle avait pris soin de transmettre à Mme Aubry, provoque la tempête à droite, à l'exception notable du villepiniste François Goulard, qui approuve. Même François Fillon s'insurge. Mais - effet de la paix des braves entre la première secrétaire et les ségolénistes - le PS fait bloc derrière Mme Royal. "J'ai été heureuse que Ségolène ait dit ce qu'elle a dit", assure la maire de Lille, juste après avoir confié à propos de l'ancienne candidate : "Je (la) respecte en tant que telle et au-delà d'ailleurs."

La stratégie du tourment est bien huilée : plus le propos est provocant, plus la droite se déchaîne, plus elle contraint son camp à être solidaire. Mme Royal jouit pleinement de sa liberté d'électron libre quand Mme Aubry est suspendue à ses résultats, notamment aux élections européennes du 7 juin. La présidente de région cultive son ambivalence : dans le PS et en dehors, iconoclaste et consensuelle, transgressive et respectueuse de la direction de son parti. Elle reste à l'écart de son courant, L'Espoir à gauche - ne faisant même pas partie de l'équipe d'animation politique menée par Vincent Peillon -, mais celui-ci relaie ses interventions. Mme Royal joue la carte Poitou-Charentes, mais elle a relancé, le 28 mars, ses réseaux Désirs d'avenir. Quand Mme Aubry s'astreint à une (relative) diète médiatique, Mme Royal occupe l'espace. La maire de Lille peut tirer profit de sa nouvelle bienveillance pour sa rivale et parier sur un partage des rôles, avec un meeting commun aux européennes. Mais l'une et l'autre ont à rassurer. Et à être crédibles.

Par Michel Noblecourt

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