mardi 7 avril 2009
Howard Dean
Cher-e-s Am-i-e-s
La fondation progressiste Terra Nova, en la personne d’Olivier Ferrand, son président, nous conviait ce samedi 4 Avril à
la Mairie du 4è arrondissement, à l’invitation de Dominique Bertinotti à une rencontre exceptionnelle avec HOWARD
DEAN (Président du Parti Démocrate) – rencontre intitulée "Moderniser la vie politique : le modèle Obama" - en présence
de Delphine Batho, porte parole de Ségolène Royal, et d'Arnaud Montebourg, chargé de la Rénovation au PS.
Président sortant du Parti démocrate (2004-2009), ancien Gouverneur du Vermont, Howard Dean est considéré comme
le précurseur et l’architecte de la victoire de Barack Obama. Membre de l'aile gauche du parti démocrate en 2004, quand
il s'est présenté à la primaire présidentielle de 2004, il est depuis célébré pour son action à la tête du parti de l'âne, de
2005 à 2009. Candidat malheureux à la primaire présidentielle en 2004 face à John Kerry, il est le premier candidat à
avoir maîtrisé internet, en s’appuyant notamment sur Move On pour créer un mouvement de soutien. A la tête des
Démocrates, il a contribué à élaborer la stratégie politique gagnante (« stratégie des 50 Etats », allongement de la
primaire) et les outils technologiques (présence sur les réseaux sociaux, site internet communautaire, financement par
petits dons, programme de porte à porte…) qui ont été mis en oeuvre par le candidat Obama. Il a également été au coeur
de l’élaboration du programme présidentiel.
La rencontre, dans la salle d’honneur bien remplie de la mairie, nous a permis de retenir quelques "techniques
partisanes" qui ont remis en marche une organisation laminée par les néo-conservateurs américains et le président Bush.
1.Reconnaître l'inefficacité du parti et le remobiliser
C'est par une citation de Louis Pasteur qu'Howard Dean a entamé sa conférence: «La chance favorise les esprits
préparés.» Le parti démocrate a d’abord fait le constat lucide de son inefficacité : depuis 1964, les deux présidents
démocrates élus ne l'avaient été que grâce au Watergate (Carter) ou au talent personnel (Clinton), et non grâce au parti
démocrate. Howard Dean a alors appliqué la «stratégie des 50 états», consistant à réinvestir grâce à un «business plan
à long terme» des territoires abandonnés aux Républicains.
2. Instaurer l’ « empowerment» militant (il s’agit bien de la démocratie participative !!!)
Cette stratégie d'autonomisation et de responsabilisation des adhérents (to empower signifie «donner le pouvoir»)
suppose une grande confiance laissée aux militants auxquels on dicte une marche à suivre et des objectifs, mais qui ont
toute marge de manoeuvre pour la mettre en place. Dans cette phase, Internet a joué un rôle majeur, même si seulement
125 personnes ont mis en mouvement 6 millions de militants. De l’argent a également été mis à la disposition de ces
groupes décentralisés. Les Démocrates sont allés chercher les militants au sein de la population et les gens ordinaires
ont compris qu’ils pouvaient faire la différence. Plus courageux encore, Howard Dean a dit s’être débarrassé des 13
bureaux (desks) ou groupes d’intérêt (il n’a pas voulu dire lobby) – qui faisaient écran entre le parti et la population en
s’occupant chacun des démocrates musulmans, des démocrates gay etc....
3. Miser sur les nouvelles générations
Howard Dean préconise de se concentrer sur les moins de trente ans pour renouveler l'appareil militant tout en refaisant
de l'électorat jeune la priorité du parti, car on ne peut pas gagner une élection sans la jeunesse : il préconise
l'investissement massif dans les nouvelles technologies, ce qui a le mérite, en outre, d’être en cohérence avec un
message politique axé sur le changement, la transparence et le progrès. Les jeunes étaient 56% à voter Kerry en 2004,
61% aux législatives de 2006, et enfin 66% à avoir voté Obama. En 2008, ils ont été plus nombreux que les plus de 65
ans à se rendre aux urnes pour la première fois depuis longtemps. Il a fait remarquer que cette jeune génération
considérait la génération précédente comme trop dans la confrontation « confrontational » et qu’elle voulait au contraire
travailler à ce qui unit plutôt qu’à ce qui divise.
D’autre part, en ce qui concerne les « seniors » Howard Dean a dit que pour les ramener vers le parti démocrate, il avait
fallu leur montrer que contrairement au Parti républicain qui ne s’intéressait pas à leur sécurité sociale et médicale, ni au
fait qu’eux aussi devaient « payer des factures », le Parti démocrate prenait en compte leur vie de tous les jours, leurs
problèmes concrets.
4. Organiser des primaires allongées avec "vote préférentiel"
Howard Dean a réformé le système de primaires démocrates en allongeant la période des débats entre les votes, afin de
rendre possible l'émergence d'autres candidats que celui de l'appareil (en l'occurrence, Hillary Clinton).
Le mode de scrutin dit "préférentiel", consiste à donner des points à chaque candidat et à les éliminer un par un jusqu'à la
victoire du dernier d'entre eux. «Un tel système permet de ne pas trop tomber dans les attaques personnelles et les
petites phrases, chacun ayant besoin d'un report des voix le plus fort possible, pour espérer l'emporter» (ce dernier point
m’a paru essentiel : plus de « qui va garder les enfants ? », ni de « fiches cuisine »).
5. Permettre la réconciliation
Selon Howard Dean la convention d'investiture qui suit les primaires, met en scène «l'unité institutionnelle» retrouvée du
parti. ( il y a bien sûr une négociation des places et de la plateforme programmatique avec tous les candidats battus, ce
qui a l’extrême avantage d’intégrer tous les battus non seulement à l’élaboration du programme mais aussi à l’équipe de
campagne) . Contrairement à ce que certains soutiennent au PS français, il ne faut pas d’un programme élaboré par le
parti et que personne ne lit, suivi du choix du candidat (ce qui a été fait en 2007 en France) mais au contraire le choix
d’un candidat après des primaires qui pourraient avoir lieu de mars à juin 2011 et se terminer par une convention
d’investiture en juin 2011. Le comportement personnel joue aussi beaucoup, et c'est encore plus facile quand les
candidats sont de grande qualité, reconnaît Dean. Ainsi Hillary Clinton, a été « extraordinaire » dans sa loyauté, selon
Dean (a posteriori on se remémorait tous les crocs-en-jambe subis par Ségolène Royal après son investiture, de la part
des candidats battus).
6. Se soucier de son électorat
Howard Dean a ensuite décrypté comment les Démocrates, via des études d'opinions et une analyse très poussée de
bases de données, ont ajusté leurs efforts de campagne vers les classes moyennes et les communautés ethniques, mais
aussi vers des catégories qu'ils pensaient fidèles à jamais aux Républicains. Ainsi, on s’est rendu compte que les
chrétiens évangéliques plaçaient le social (la pauvreté) et l'écologie en tête de leurs priorités : c’étaient en fait les mêmes
priorités que celles du Parti démocrate.
Howard Dean a bien insisté sur le fait que les gens se voient en majorité aux USA comme « multicultural » : normal
puisque la moitié des moins de 30 ans sont non-blancs (nouvelle appellation apparemment utilisée ici pour dire métis).
D’ailleurs en 2030 la majorité des USA sera non-blanche.
Ceci suppose une stratégie électorale fine : alors que Barak Obama était accusé par les Républicains de manquer de
l’expérience du Commandant en Chef par rapport à McCain, les études ont montré que pour le coeur de cible de
l’électorat Obama, ce n’était pas un problème, d’où une concentration dans la campagne sur les vrais problèmes.
7. Insister sur les valeurs plutôt que sur un programme
Howard Dean nomme cela «le biconceptualisme», autre concept dont personnellement j’entendais parler pour la
première fois. Il permet de s'appuyer sur des valeurs capables d'être entendues aussi bien par les ouvriers que par une
partie de la droite, et non plus de changer de discours en fonction de l'auditoire. Il s’agit d’une véritable reconquête
idéologique, avec les idées de gauche progressant de 22% aux USA entre 2004 et 2009 (hélas, chez nous, vous vous
rappelez François Fillon et son : nous sommes en train de gagner la bataille idéologique).
Aux USA, ceci s’est appuyé sur un récit national, décliné par Barak Obama pendant toute sa campagne. Ceci a eu un
effet dévastateur sur les Républicains qui niaient que les Démocrates aient des valeurs. Ainsi, au lieu de se taire sur les
questions de société et d’immigration, les Démocrates ont appris à aller chercher dans le camp d’en face les idées où ils
sont les plus forts, à reconceptualiser les questions (en fait les déconstruire) et à insister sur « equal justice under the law
for everyone ». Howard Dean a pris l’exemple des Républicains attaquant les Démocrates, favorables selon eux, à
l’immigration: il posait la question dans une salle : qui a du sang indien (native American) dans les veines ici ? Comme
seulement deux ou trois mains se levaient dans la salle, cela lui permettait de revenir à l’histoire des USA, terre
d’immigration, de revenir au récit national. Nous avons donc été encouragés à réécrire notre récit national en nous
appuyant sur nos valeurs fondamentales !
A l’issue de l’exposé d’Howard Dean un échange avec la salle a permis d’autres interventions :
Delphine Batho, proche de Ségolène Royal, s'est ainsi félicitée du «changement d'attitude vis-à-vis de la gauche
américaine, trop longtemps caricaturée comme un parti de supporters» : on se souvient que lors du Congrès de Reims,
c’est le « reproche » fait par Martine Aubry & Co à la conception du parti prônée par Ségolène Royal.
Présente dans la salle, la députée Aurélie Filipetti a toutefois objecté qu'en France, «la démographie électorale n'est pas
la même, car Sarkozy n'aurait pas gagné sans les plus de 65 ans. Ici, ce sont les vieux qui ont fait l'élection». Une
objection restée sans réponse.
A noter enfin une intervention très décevante d’un Arnaud Montebourg assez mal à l’aise à la tribune, qui a feint de
découvrir les idées du parti démocrate et de ne pas trop imaginer la faisabilité de toutes ces mesures, allant même
jusqu’à demander à la salle : dites-nous de quel Parti Socialiste vous rêvez ! ce qui a eu pour conséquence de provoquer
des remous dans la salle.
En résumé, une très belle après-midi que je souhaitais vous faire partager. Je vous invite aussi à visiter le site de Terra
Nova http://www.tnova.fr
.
Amicalement
Catherine Asquier, Désirs d’avenir Paris 5è arrondissement
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire