Extrait
Il est midi, ce vendredi 21 novembre (2008), quand le téléphone d’une secrétaire de section lilloise se met à sonner. A l’autre bout du fil, Guillaume Blanc, le conseiller politique de Martine Aubry à la mairie de Lille. Dans le Nord, comme dans le reste du pays, les bureaux de vote pour le second tour de l’élection du premier secrétaire ouvrent dans quelques heures. La discussion est brève. Il n’y a qu’un seul message à faire passer. Dans un premier temps, la jeune femme pense avoir mal entendu. Mais la consigne est claire : "On ne prend plus de gants, vous bourrez les urnes." La veille, Ségolène Royal a créé la surprise en récoltant plus de 42% des voix lors du premier tour. (...) Mathématiquement, le duel s’annonce extrêmement serré et la panique s’empare de la maire de Lille et de ses proches. Plus question de tergiverser. Quelle que soit la méthode, ce soir, il faut barrer la route de -Ségolène Royal. (...)
Vendredi 21 novembre, soir du deuxième tour à Lille. C’est la fin de l’après-midi. Guillaume Blanc, jeune ingénieur de 26 ans, homme de confiance et conseiller politique de Martine Aubry, prend les choses en main. Derrière son air juvénile, l’homme est considéré comme un redoutable agent au service de la maire de Lille. On le surnomme "la Stasi", "parce qu’il vient toujours écouter la moindre prise de parole d’un responsable local du PS pour en faire rapport à Martine", témoigne un militant socialiste lillois. Depuis l’hôtel de ville, Guillaume Blanc adresse un SMS à tous les secrétaires de section. Il leur est ordonné de ne pas communiquer leurs résultats à la fédération - comme le prévoit pourtant le code électoral socialiste -, mais de les transmettre directement à ce qu’on appelle le "comité de ville". Un bureau de liaison au service de Martine Aubry, situé au premier étage du bâtiment qui abrite la fédération socialiste, et dirigé par un certain Patrick Kanner. Depuis son arrivée à la tête de la ville, le PS local est à la main de celle que l’on surnomme "la tsarine", chargé d’assurer le service après-vente de sa politique. Dans les faits, via "le comité", c’est donc le cabinet de Martine Aubry qui a la haute main sur la fédération du Nord. (...) Pargneaux (patron des socialistes du Nord, NDLR) à la fédération sera l’exécutant. C’est sans aucun accroc que la chaîne cabinet du maire-comité de ville-fédération du Nord va se mettre en branle pour assurer l’élection de Martine Aubry, en étroite liaison avec le QG parisien de la future première secrétaire, installé à l’Assemblée nationale. Le dispositif est en place. De Lille à Paris, les montres sont coordonnées. Le casse du parti peut commencer.
A 23 heures, huit des dix secrétaires de section de la ville sont au rendez-vous dans le bureau de Patrick Kanner, pour lui remettre les procès-verbaux des résultats. Cet homme, en liaison avec Paris, est chargé de la "tambouille lilloise". Claude Bartolone, Christophe Borgel, François Lamy et Jean-Christophe Cambadélis, les quatre mousquetaires de Martine Aubry, sont installés dans des bureaux de l’Assemblée nationale. Leur consigne est claire : ne pas lâcher les résultats du Nord tant que ceux de toute la France ne sont pas remontés. A mesure que les chiffres tombent, ils sont rentrés dans un logiciel qui calcule automatiquement l’écart entre Royal et Aubry et fait varier les résultats "virtuels" du Nord afin qu’ils assurent la victoire à Martine Aubry. Claude Bartolone, plusieurs semaines après, reconnaîtra d’ailleurs avoir bloqué les résultats du Nord "dans le but de s’assurer que, même si la Guadeloupe et la Martinique votaient à 100% pour Royal, l’avance de Martine ne permettait pas qu’on la rattrape". En clair : les résultats du Nord sont gelés pour pouvoir être "ajustés" jusqu’au dernier moment afin d’assurer une avance suffisante à Martine Aubry.
Hold-ups, arnaques et trahisons de Antonin André, Karim Rissouli
Editeur : Editions du Moment
Langue : Français
ISBN-10 : 2354170637
ISBN-13 : 9782354170639
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