INTERVIEW France - Des policiers n'ont pas vu le changement :
par Gérard Bon PARIS, 3 juin (Reuters) - Il faut arrêter les discours et donner à la police "le nerf de la guerre", les moyens humains et matériels permettant de faire face à l'insécurité, que Nicolas Sarkozy affirme combattre à bras le corps.
Un journal sous les yeux, un lieutenant de police, Timothée Artale, 27 ans, souligne le décalage entre la dernière intervention du chef de l'Etat et ce que lui-même vit sur le terrain, en Seine-Saint-Denis.
"On annonce le déploiement de 200 policiers, le vrai chiffre, c'est 10.000 policiers en moins", dit-il à Reuters, au siège du syndicat de police SGP-FO.
En 2004, sorti de l'école de Cannes-Ecluse, ce Lorrain choisit d'être affecté au commissariat d'Epinay-sur-Seine, au coeur du "93", une banlieue marquée par les émeutes de 2005.
Un choix "de conviction" en dépit des tensions et de la "délinquance très agressive" qui y règnent, à l'image du "guet-apens" tendu à des policiers en 2006.
"Je suis rentré dans la police au moment du déclin de la police de proximité et de la croissance de la politique du chiffre", souligne le lieutenant.
Très vite, Timothée Artale dit se heurter à une pression constante de sa hiérarchie, en vertu de la "course aux chiffres" voulue par le gouvernement, et au manque de moyens.
"Mes problèmes venaient de l'intérieur", dit-il en égrenant la baisse des effectifs du commissariat, passés de 170 à 140 hommes pour une population d'environ 60.000 personnes avec la commune voisine de Villetaneuse.
Il décrit également une charge de travail immense, la perte de jours de congés, la réduction du parc automobile, le "partage des véhicules", qui contraint les fonctionnaires à patienter avant d'intervenir sur les lieux d'une agression.
"Quand on n'a pas les moyens, que faut-il faire ? Y aller en bus ?", demande-t-il.
"ILS NOUS NARGUENT" Toujours au nom de la politique du chiffre, des fonctionnaires sont parfois invités à se concentrer sur des délits mineurs, plus faciles à résoudre.
"Une affaire résolue vaut un 'bâton'.
Le problème, c'est qu'on ne regarde pas la qualité des affaires.
Un viol est beaucoup plus important qu'un vol de portable", dit Timothée Artale.
"Il y a une vraie volonté de travailler, le seul problème, c'est le manque de moyens", insiste-t-il.
Pourquoi les fonctionnaires partants ne sont-ils pas remplacés ?
Pourquoi faut-il attendre un guet-apens pour apposer des filtres de protection sur les pare-brise ?
Trois séance de tir par an, est-ce que ça suffit ?
Faute de réponses, le jeune lieutenant décide il y a un an de rejoindre un syndicat de police, le SGP-FO, pour faire bouger les choses.
S'il ne conteste pas les efforts de modernisation de ces dernières années, Timothée Artale pointe du doigt de nombreux problèmes, comme celui de la répartition des effectifs.
Il s'étonne, par exemple, de voir qu'il y a plus policiers dans la riche commune de Boulogne-Billancourt que dans une banlieue à problèmes.
Dans le "93", la situation est parfois d'une dangerosité extrême pour les forces de l'ordre.
Le 20 mai dernier, à la Courneuve, des policiers ont été pour la première fois visés par des tirs de Kalachnikov, une arme de guerre.
"Pourquoi tant d'incivisme en France ?", demande plus largement le lieutenant qui aimerait que la justice suive mieux une police, "qui fait son travail."
"Les personnes sortent de prison, on les arrête de nouveau, et on les retrouve dehors. Parfois, ils nous narguent", raconte-t-il.
Sur l'aide aux victimes, un leitmotiv de Nicolas Sarkozy, le policier ne voit pas beaucoup d'améliorations non plus.
"Les gens ont peur de porter plainte", dit-il. Pour le lieutenant, malgré les annonces sécuritaires multipliées par le gouvernement, les changements ne sont pas palpables.
"Le policier de terrain n'a pas vu beaucoup de changements", dit-il.
(édité par Yves Clarisse)
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mercredi 3 juin 2009
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